Abstentionniste – préambule
admin | 12 avril 2010Je l’avoue.
Je suis un abstentionniste. Chronique même. Depuis que j’ai recouvré mes droits civiques en aout 1994 je n’ai jamais voté. Même lorsque mon frère participait activement aux élections allant jusqu’à être candidat je ne suis pas allé voter.
Ni aux élections locales, ni aux élections nationales. Jamais.
Pourquoi? Parce que je ne me sens pas concerné? Bien sur que si!
Parce que l’offre politique ne me satisfait pas? Certes. Mais ce n’est pas l’élément principal.
Parce qu’une voix de plus, une voix de moins, ça ne change pas grand chose…? ce n’est pas totalement faux, mais ce n’est pas encore ma raison.
Parce que c’est compliqué? Assurément, mais je ne me décourage pas facilement.
N’ai-je pas honte? Alors que des gens sont morts pour ce droit? Que des personnes ont été emprisonnées, furent exilées? Comment dire,…? C’est le cas de ma famille, et en quelque sorte de manière indirecte, c’est ma vie.
Je ne vote pas depuis que j’ai recouvré mes droits civiques en Argentine, parce que je n’y vis pas. N’y vivant pas, je n’aurai pas à assumer les conséquences de mon choix, et je préfère laisser décider de leur destinée celles et ceux qui vivent, et subissent ou bénéficient des politiques mises en œuvre.
Bien sur je m’intéresse à la vie politique de mon pays de naissance, je lis les journaux, lorsque je m’y rends une fois tous les deux/trois ans, j’échange pas mal et observe beaucoup, cette périodicité me permet de jeter un regard particulier sur les évolutions de la société argentine. Mais je ne vote pas.
Si demain, comme il paraît que c’est prévu, on a des représentants des « argentins à l’étranger » alors je me rendrai aux urnes, parce que je serai représenté pour ce que je suis, et qu’il m’importera de savoir qui me représente. Je ne suis pas le seul citoyen argentin en exil a ne pas voter. Mon père, mon frère, plusieurs de mes amis, ne votent pas davantage que moi, depuis qu’ils ont recouvré leurs droits civiques. Je rappelle pour mémoire que tout le peuple argentin les avait perdu de facto entre 1976 et 1982.
Si je n’ai recouvré les miens qu’en 1994, c’est qu’à la fin de dictature je fus de plus déclaré déserteur, puisque n’ayant pu me présenter dans les délais pour faire mes « trois jours »… le consulat ayant « omis » de m’envoyer en temps la convocation. Je fus amnistié par le président Menem lorsqu’il mit fin à la conscription.
Certains trouveront peut-être utile que je précise qu’en Argentine le vote est obligatoire. Entre 18 ans et 70 ans tout citoyen doit voter et encourt le risque de sanctions pécuniaires s’il contrevient. C’est un système similaire à celui qui prévaut au Chili, au Brésil, au Pérou, en Équateur, en Grèce, en Italie au Mexique ou encore en Turquie.
Les citoyens ne se rendant pas aux urnes sans raison valablement reconnue par la loi (maladie, être à plus de 500 km de son lieu de vote (ces derniers doivent alors se rapprocher des autorités pour faire acter le caractère raisonnable de leur éloignement)) encourent en Argentine une amende.
Le non acquittement de celle-ci entraine pour les employés publics (les fonctionnaires) une mise à pied possible de 6 mois.
Pour les personnes résidant à l’étranger de façon permanente (ce qui valide mon raisonnement) le vote est de droit mais non une obligation. Il faut se rendre à l’ambassade se faire inscrire sur une liste et dès lors on PEUT voter. Je pourrai arguer d’un prétexte pour ne pas voter, plus moral: au vu du nombre de personnes inscrites sur ce registre, l’anonymat du vote est moyennement assuré… 🙂
Il me semblait nécessaire de préciser ces éléments en préambule de quelques réflexions sur l’abstention. A partir de là il est assez clair que je ne situerai pas la suite de mes réflexions sur l’abstention, d’un point de vue moralisateur. L’exemple argentin nous permettra de revenir sur certaines propositions en vogue après chaque élection sur le « devoir » citoyen, ou encore la prise en compte des blancs et nuls, etc.