« Ils ont interdit le petit prince, tout est dit ».
admin | 21 mai 2013A propos de la mort de Videla, je publie ci-dessous ce texte écrit par quelqu’un que je ne connais pas personnellement, et que j’ai humblement traduit, parce que tout y est dit:
« Voilà le corps. Sans habeas corpus, voilà le corps. Quelques papiers et il est à vous. Amenez votre parent. Vous avez un corps. Vous pouvez constater qu’il se présente sans brûlures ni bleus. Nous aurions pu le frapper au moins…, nous n’aurions pas été quitte. Mais nous avons préféré ne pas faire, ce que ce corps, que vous allez enterrer, à fait de son vivant. Nous ne l’avons pas jeté d un avion, nous ne l’avons pas incité à parler à coups de gegene. Qu’il parle et dise, par exemple, où sont nos corps, ceux de nos camarades. Constatez qu’il n a pas été violé. Il n’a pas eu son fils sur son torse pendant qu on lui délivrait des décharges électriques. Nous ne l’avons pas fusillé pour raconter qu’il est mort lors d’un affrontement. Nous ne l’avons pas mélangé à du ciment. Nous ne l’avons enterré n’importe où avec la mention NN. Nous ne lui avons pas volé ses petits enfants. Voilà le corps. » Jorge Kostinger, journaliste argentin né à Mar del Plata
Tout est dit, j’ajouterais juste que seule cette mort là, dans ces conditions là, pouvait m’apporter un peu de paix intérieure. J’aurais détesté que Videla meure comme Khadafi. J’aurais détesté qu’il meure comme Franco. Je n’ai jamais souhaité sa mort. Il a, ils ont, essayé de nous détruire. Nous c’est ceux et celles qui pensaient pas comme eux. Comme dirait ma fille « ils ont interdit le petit prince, tout est dit« .
La bombe qui a explosé a mon domicile ne cherchait pas seulement à faire peur. Elle visait à tuer. Ils ont essayé de nous détruire. En ont tué tant et tant, fait disparaître plus de trente mille êtres humains, plongeant leur famille dans une douleur incommensurable et éternelle.
Nous avons survécu. Mieux nous nous sommes reconstruits. Malgré eux, mais pas contre eux. Je n’ai pas de haine. Je ne suis pas soulagé que Videla soit mort. Je suis satisfait qu’il soit mort en ayant payé un acompte pour ses crimes, en étant privé de liberté, dans des conditions plus dignes que la moyenne des prisonniers argentins. J’aurais bien sur souhaité qu’il puisse aller en prison plutôt, je n’en veux même pas à Alfonsin ou Menem, mais je suis gré à Nestor Kirchner. Cela sera tout.
Tout est dit. Je refuse de consacrer plus de temps aux tortionnaires, comme à ceux qui sachant gardèrent silence. Mes pensées vont à nos morts, à ceux qui ont du vivre dans la clandestinité, à ceux qui ne supportèrent pas l’exil et mirent fin à leurs jours. Mes pensées vont à ceux qui ont résisté. En France plus qu’ailleurs, peut-être, on devrait me comprendre.
C’est parce que nous sommes vivants, parce que nous ne sommes pas comme lui, comme eux, que quand tout est dit, il reste quelque chose à ajouter, la pensée humaine n’est pas définitive.
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