Troy Davis
admin | 21 septembre 2011Depuis longtemps tout a été écrit sur le sujet. En France dès avant Victor Hugo jusqu’à Robert Badinter et François Mitterrand, le combat a été mené sur tous les fronts avec des arguments d’une telle force que même l’ affront National ne parvient pas malgré les tentatives réitérés de récupération de la légitime émotion lors de dramatiques faits divers, a du mal à renverser la donne.
Les mots de Victor, de Robert sont si forts, qu’on en oublie que dans tous les pays du monde s’élèvent des voix pour faire reculer la barbarie. L’Union européenne peut s’enorgueillir non seulement d’avoir banni la peine de mort mais d’en faire une condition d’adhésion. Ce n’est pas rien.
Tout à été écrit, et très bien écrit, et pourtant comment garder silence devant cette énième exécution? Troy Davis sera exécuté ce soir pour avoir tué un policier. Il sera exécuté dans un état de droit. Il sera exécuté dans une démocratie.
Ce n’est pas rien. Je condamne avec la même passion la peine de mort dans tous les pays où elle est pratiquée, quelque soit le crime. Je crois à l’Humanité, je crois à l’universalité des droits de l’homme. Rien, aucun particularisme culturel ne justifie à mon sens une remise en cause de l’universalité des droits.
Quand la Chine exécute des milliers de ses ressortissants chaque année, mon émotion n’en est pas moins vive. Mais la Chine n’est pas une démocratie, n’est pas une dictature. L’espoir en Chine c’est, pour un démocrate comme moi, que demain, si les opposants au régime chinois l’emportent, si la démocratie fait rentrer ce grand pays dans le chemin du respect des droits de l’homme, que demain donc la peine de mort y soit abolie.
Mais quel espoir pour les Etats-Unis? Qu’espérer lorsqu’on voit que c’est un combat que même Barack Obama n’est en situation de porter (S’il a toujours soutenu la peine de mort, en tant que sénateur de l’Illinois, il a participé à la réforme du système, créant de nombreuses garanties afin de réduire les erreurs de condamnation. «Si les preuves me disent que la peine de mort ne réduit pas vraiment la criminalité, je pense qu’il y a certains crimes si odieux» qu’ils méritent la peine capitale, écrit le candidat démocrate dans «l’Audace de l’espoir».)? Comment ne pas désespérer voyant que cette démocratie ne semble pas apprendre de ses erreurs (Sacco et Vanzetti parmi tant d’autres?) ?
Mais je précise que je ne m’oppose pas à la peine de mort parce qu’un doute pourrait subsister sur la culpabilité. Peu m’importe je le dis que Troy Davis soit innocent (ce qui implique un coupable en liberté) ou coupable. Peu importe pour moi qu’il nie le crime, ou qu’il le reconnaisse. Même pour un criminel sur lequel aucun doute ne subsisterait quant à sa culpabilité, je maintiens fermement que l’être humain n’a en aucune circonstance droit de donner la mort à un autre.
On m’objectera peut-être que je n’ai pas été victime directe ou collatérale d’un criminel. Je persiste, ni Hitler, ni Ben Laden, ni Videla, Viola, Galtieri, Pinochet, ni les tortionnaires des geôles argentines dans lequel « résidèrent » des membres de ma famille, ni les auteurs des attentats à la bombe commis contre mon domicile familial, non pour personne je ne souhaite la peine de mort. La peine de mort ce n’est pas la justice, c’est la vengeance. Elle ne permet pas de comprendre, elle ne permet pas de faire le deuil, elle prolonge encore et encore le cercle vicieux de la haine. Mais cette affaire n’est pas qu’individuelle. Si demain il arrivait malheur aux êtres qui me sont les plus chers, par le fait d’une action criminelle, je veux que la société m’aide à me protéger contre la sauvagerie. Contre la tentation de la vengeance, contre la volonté qui pourrait monter en moi de voir la loi du talion s’appliquer. La société devrait m’aider, moi victime, à ne pas ajouter au drame subi, l’abaissement au niveau du criminel.
Si je cherche encore et encore dans ma mémoire ce qui m’a fait quitter la mouvance communiste, c’est probablement cet élément le premier déclencheur: la chine, l’union soviétique, cuba… bien sûr la plupart de mes amis communistes français ont toujours été opposés à la peine de mort. Mais le silence gêné de certains d’entre eux, voire les justifications abracadabrantesques des exécutions dans les « pays frères » m’ont largement fait vaciller.
Je ne pense pas que l’on puisse être de gauche et favorable à la peine de mort. Je ne conçois pas que l’on soit démocrate et favorable à la peine de mort. Je ne conçois même pas en réalité que l’on puisse être favorable à la peine de mort en quelque circonstance que cela soit et penser avoir avec moi quelque chose de précieux en commun.
Au moment où l’UMP nous propose de prêter allégeance, moi l’objecteur de conscience, né sur l’autre rive de l’atlantique, me remémore les mots de ce grand Homme, né en France, contraint lui aussi à l’exil :
« J’ai dévoué ma vie au progrès, et le point de départ du progrès sur la terre, c’est l’inviolabilité de la vie humaine. De ce principe découlent la fin de la guerre et l’abolition de l’échafaud. » Victor Hugo