De l' »envie » d’être Président de la République… ou sénateur
admin | 19 septembre 2011Cela fait des mois que cela dure, et tout frétillants certains à droite comme à gauche cherchent à relancer une polémique depuis ce week-end. Martine Aubry n’aurait pas envie d’être présidente. Elle serait candidate par défaut. Je refuse depuis le début de rentrer dans la polémique, celle-ci comme les autres. Parce que je sais que chaque polémique qui nous éloigne du débat de fond ne sert que la droite et l’abstention (abstention aux primaires et aux présidentielles).Pour ma part je n’ai jamais douté de la détermination de Martine Aubry de jouer un rôle de premier plan, et de créer les conditions pour rendre cela possible sans renier le collectif. A aucun moment je ne l’ai imaginé s’effacer devant quiconque de bon gré. Il ne me souvient pas qu’il en fut toujours ainsi de la part de certains premiers secrétaires de notre parti.
Je ne céderai pas davantage aux provocations et préfère me contenter de recommander la lecture de François Mitterrand à ces amis qui n’ont que le mot « envie » à la bouche, qui ont intégré l’idéologie de la cinquième république au point d’oublier peut-être quelques fondamentaux.
La lecture de ce texte ferait du bien aussi à ceux qui se détournant des décisions collectives se lancent dans une aventure individuelle contre leurs camarades tournant le dos à leur engagement de toujours. Mais je doute qu’ils prennent le temps de lire Mitterrand.
Enfin le dernier paragraphe doit nous rappeler que le Sarkozysme s’inscrit dans une tradition des présidents de droite de la 5ème République poussée à son extrême, mais dans une continuité tout de même.
Dans la Révue socialiste, n°52 de février – mars 1981, paraît un entretien avec François Mitterrand. La première question était ainsi formulée:
« François Mitterrand, pourquoi a-t-on envie de devenir Président de la République? La charge n’est-elle pas trop lourde à l’heure du risque nucléaire? »
Mitterrand répond en ces termes:
« Ai-je bien saisi la portée de votre question? selon vous, la gravité croissante des responsabilités du Président de la République découragerait les postulants à la candidature, Ou dissiperait leur désir d’en assurer la charge. Les faits ne paraissent guère vous donner raison: les candidatures se multiplient, nullement rebutées par l’ampleur éventuelle de la tâche! A ces candidats de décider, en leur âme et conscience, si leur « envie », comme vous le dites, est à la mesure de la mission à accomplir.
Pour un socialiste, l’interrogation est toute autre. En premier lieu, sa vie, son combat, son œuvre ne se décident pas seuls au gré des échéances électorales. Certes les succès antérieurs, et demain peut-être la victoire, ne le laissent pas indifférents. Qui nierait notamment l’importance de l’élection à la Présidence de la République? Elle n’est pourtant ni le commencement ni la fin de tout. Aussi bien un candidat socialiste à la présidence doit-il conduire sa campagne avec sérénité et tranquillité, mû par l’ambition de faire gagner ses idées plus encore que sa personne. Ce qui ne doit rien lui retirer de sa pugnacité nécessaire.
A la différence des candidats des partis de l’argent, le candidat socialiste n’est pas solitaire en son combat. Son « envie », c’est d’abord l’envie de centaines de milliers de militants et de citoyens: l’envie de faire enfin respirer à pleins poumons un pays qui étouffe sous le poids des privilèges de la caste au pouvoir. La force et la volonté du candidat socialiste sont nourries par l’élan des forces les plus créatives et les plus ardentes et par la vaillance de son parti: le seul grand parti démocratique français.
Au demeurant, si demain il est porté à la Présidence par l’allégresse et l’enthousiasme des Français, il ne se retrouvera pas seul maître à bord accaparant jalousement toutes les fonctions de l’État. Vous le savez, mon projet est de rééquilibrer le partage des tâches entre les organes du pouvoir.
A chacun son rôle: au Président de définir les orientations principales; au gouvernement de gouverner avec efficacité; au Parlement de légiférer librement; aux collectivités territoriales de s’autoadministrer. Le désordre s’est installé dans l’État par l’intervention permanente du Président dans le fonctionnement quotidien de l’administration: se mêlant de tout, il oublie l’essentiel. Votre question se réfère à ce que vous appelez « la lourdeur » de la charge de Président de la République: oui, ainsi conçue par le président sortant, la charge est aujourd’hui si lourde qu’elle tombe des mains fragiles de son dépositaire. A vouloir tout régenter, on ne gouverne rien! Au pied du trône roule la couronne: les privilégiés s’en emparent pour légitimer leur toute-puissance. Faute d’un gouvernement solide, ce sont eux qui gouvernent, ce sont eux les vrais maîtres. Ils organisent la crise, le chômage, l’inflation. Avec la bénédiction d’un Président qui n’en peut mais. »