Sacré canard enchaîné…
admin | 4 mai 2010Comme tous les ans le pollen m’a mis KO. J’ai appris a vivre avec. Pour l’entourage ces crises sont plus difficiles certainement. Vivre aux cotés d’un zombie n’est guère quelque chose d’aisé. Je ne parviens pas à garder en mémoire la sévérité des crises d’une année sur l’autre, ce blog servira donc aussi à cela. Début de crise: 27 avril, reprise du travail le 03 mai.
Pendant ce temps la vie politique à évidemment continué. Et comme en écho à mon billet (mais rassurez vous le pollen ne m’a pas fait choper la grosse tête… je sais n’y être pour rien) le débat sur la proposition de loi à bien évolué par rapport au projet de loi Coppé.
Ainsi donc l’amende infligée à la porteuse de Burqa prise en flagrant délit de promenade serait de 150 euros et non plus de 750 euros et surtout serait instauré un délit sanctionnant de 15000 euros d’amende pouvant être assorti d’un an de prison avec sursis (comme un vulgaire Pasqua, quoi). On est loin d’être dans un débat sérieux et digne mais on progresse, l’échelle de sanction entre la victime et le bourreau indique toutefois une certaine prise de conscience de l’absolue ineptie du projet de loi initial de Coppé. Maître Eolas a évidemment déjà décortiqué tout ça (il doit pas être allergique lui…) et c’est par là qu’on peut lire sa prose (ayant déjà par le passé usé de tous les qualificatifs possible pour dire mon admiration de ses écrits je me contenterai désormais d’un simple lien). Je ne reviens pas sur sa démonstration.
Mais en revanche intéressons nous un peu au processus qui nous a conduit là.
Au début du printemps 2009, le canard enchaîné rapporte qu’un bailleur HLM a refusé à Venissieux, un logement à une famille de 5 personnes parce que la mère porte la burqa. Le député-maire de Vénissieux, André GérinAndré Gerin se fend d’un communiqué pour prendre la défense du bailleur social… et indique ‘Il faudra bien que la République française s’exprime si l’on doit ou non accepter que des femmes soient enfermées dans ces prisons de tissu ‘.
André Gérin à 63 ans. Il avait déjà essayé de faire parler de lui. En 2007, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, il rend publique une lettre à Marie-Georges Buffet, accusant la direction du Colonel Fabien entre autres de ne pas avoir fait campagne. Après sa ré-élection au premier tour par 52,6% des voix à la tête de la mairie de Vénissieux qu’il dirige depuis 1985; il tentera de remplacer Marie-Georges Buffet affirmant la nécessité pour le PC à couper le « cordon ombilical » avec le Parti socialiste, il recueillera 10,2%.
Mais revenons au printemps 2009, quelques jours après son communiqué sur la burqa, il annoncera son retrait de la mairie de Vénissieux pour le mois de juin.
En juin 2009 alors que se prépare le passage de témoin en mairie qui aura lieu le 27 juin, André Gérin répond aux sollicitations de la presse sur la Burqa mais réagit faiblement au découpage électoral qui voit sa circonscription renforcée de voix de gauche et celle UMP voisine renforcée d’électeurs de droite le tout en découpant en deux une commune. André Gérin est occupé à déposer à l’assemblée nationale une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la pratique du port de la burqa ou du niqab sur le territoire national.
Le 18 juin 2009, France-Info peut annoncer que « C’est à l’initiative du député-maire de Vénissieux, André Gérin (PCF) qu’une soixantaine de députés, toutes tendances confondues ont déposé hier une proposition de résolution dans le but de créer une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa.«
En effet des membres de tous les groupes sont présents mais France-Info ne va pas au-delà. Regardons un peu en détail les choses : Gerin est appuyé dans sa démarche par 2 autres communistes (sur 25 membres du groupe GDR), 7 socialistes (sur 203 membres du groupe SRC), 3 non-inscrits (8 non-inscrits), 2 nouveau-centre (sur 25 membres du groupe NC) et par … 43 UMP (sur 315 membres du groupe UMP) !! Indéniablement il convient de couper le cordon ombilical avec le parti socialiste.
Sauf erreur de ma part rien dans le règlement intérieur de l’assemblée ne stipule un nombre minimum de parlementaires pour qu’une résolution demandant une commission d’enquête soit recevable. Qu’est-ce qui donc a conduit M. Gérin a accepter un tel déséquilibre dans les signataires le réduisant ainsi à être un cache sexe de la droite parlementaire, si prompte a refuser de signer ou voter en règle générale les enquêtes parlementaires demandées par l’opposition? Notons au passage qu’un des signataires de la résolution deviendra quelques semaines plus tard secrétaire d’Etat: Pierre Lellouche.
Au moment même où il passe la main à la mairie de Vénissieux, le député André Gérin revêt avec gourmandise le costume du croisé et réussit à capter l’attention des médias, il prend soin de dire tout au long du processus quelques phrases chocs : « Cette loi, a-t-il estimé, devra aussi porter l’estocade aux gourous, aux talibans français » . Pendant des mois l’UMP laissera son ami communiste profiter de cette notoriété.
Au final en cet été 2009 il n’y aura pas de commission d’enquête mais les signataires de la résolution se satisfaisant d’une mission d’information, qu’évidemment André Gérin présidera.
La différence est importante d’un point de vue parlementaire, mais pas d’un point de vue médiatique. André Gérin, s’en satisfera et assigne des objectifs incontestables à la mission. Prendre la mesure réelle du phénomène tout d’abord, les chiffres officiels du ministère en juillet 2009 sont de 367 cas, André Gérin les balaye d’un revers de main, considérant dans le Figaro (journal qu lui offre plus souvent ses colonnes désormais que l’humanité) que dans la région lyonnaise il y en a déjà plus que ça.
Dans le JDD il explicitera les missions qu’il espère voir remplis par la mission d’information : « au-delà du comptage très précis […], André Gérin souhaite que la mission d’information poursuive son travail et permette « de sortir de l’indifférence et de l’aveuglement qu’il peut y avoir dans ce pays » vis-à-vis de ces « prisons ambulantes ». L’élu communiste veut poser le débat du fondamentalisme rampant dans les quartiers, « qui pose problème dans la société française ». »
Au passage attardons nous sur cette déclaration d’un parlementaire devenu entre temps ministre, et pour qui j’ai une affection particulière: Le député François Baroin déclarait ainsi «A la différence d’une commission d’enquête, dans une mission d’information, on ne prête pas serment. La parole y est donc plus libre.»
C’est un peu court mais non inintéressant. François Baroin dévoile donc l’objet réel de la mission d’information aligner des témoignages, opiner librement. Une sorte de débat thématique au sein du grand débat sur l’identité nationale que Gérin par ailleurs approuve. En tout cas cette mission permettra de savoir si on en croit Gérin combien de femmes portent la burqa en France, mais pas pourquoi les services du ministère de l’intérieur sous-estimeraient le phénomène. Je suis toujours intrigué de voir un parlementaire se réjouir que les parlementaires ne puissent pleinement exercer leur prérogatives, se rejouir des limites à leur travail de contrôle et connaitre par avance ou les mènera la mission.
Et c’est là que le bât blesse. Parce que l’histoire officielle sinon est belle, admettons le. Un député est concrètement confronté à une situation qui heurte ses principes: cette femme emprisonnée dans ses habits. Cela le heurte plus que la discrimination qui est à l’origine de l’article du canard. Il se leve donc, seul, contre la majorité de son camp. Dénonce cet intégrisme rampant, devant lequel tous ferment les yeux. Il trouve de courageux députés qui veulent comprendre le phénomène et le combattre. Ils se bagarrent pour obtenir une commission d’enquête, et prendre la mesure du phénomène, trouver la source de l’omerta d’état, comprendre et puis proposer des mesures et des sanctions s’il y a lieu. Et on fait cela un peu tard aux yeux du courageux député communiste – qui n’oublie pas que du temps des soviets on pouvait à Kaboul admirer de jolies jambes afghanes, mais assez tôt avant que le phénomène devienne ingérable.
J’ai été il est vrai à mauvaise école. Sous la révolution Française, le député Garran-coulon qui présida la commission d’enquête sur les « troubles à saint-domingue » remit un rapport de 4 volumes, le recueil des auditions représentent 21 volumes. Il voulait comprendre le rôle de la France, des colons de l’Espagne et de l’Angleterre et enfin et surtout la situation des esclaves et leur rôle dans ces « troubles ».
La période n’était pas encore celle d’une démocratie « apaisée », les moyens n’étaient pas les mêmes. Les arrières pensées non plus…