La part du diable
admin | 21 janvier 2011J’adore les polémiques qui font mon ordinaire le temps d’un repas entre amis, d’un apéro… le café du commerce à du bon tant qu’il reste dans la sphère privée. C’est un exercice intellectuel aussi bon que des mots croisés, ou une partie de scrabble ou de risk (façon champlanaise) mais j’essaye tant que faire se peut de les esquiver ici. Ce blog ayant pour vocation essentielle de donner quelque chose de moi à lire à ma fille dans quelques années qui ne soit pas trop « périssable »…
Cependant, il m’est difficile de ne pas évoquer la célébration de Céline décidée par le ministre de la culture (le comité fait des propositions soumises à la décision du ministre). En effet cette polémique aborde une problématique présente ici depuis le tout premier post et abordée encore rapidement il y a quelques jours dans « l’appel des livres ».
Dans cette France du XXI ème siècle qui a toujours autant de mal à penser son passé, hésitant toujours entre expiation et arrogance, le ministre de la culture, et lui seul, a pris la responsabilité d’inclure parmi « ceux dont la vie, l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables», Céline.
Passons sur le sens de l’existence même de telle institution et de ceux qui y siègent dont je ne suis assurément pas le seul à la découvrir aujourd’hui et dont il faut leur souhaiter que la cour des comptes ne vienne fureter réveillée par la polémique. Toujours est-il que la phrase entre guillemets à son importance. On n’y trouve pas un « ou » quelque part indiquant que les personnes célébrées peuvent être moralement exemplaires et littérairement catastrophiques ou l’inverse. Or donc, Céline, écrivain remarquable a ce qu’on m’a dit et répété depuis plus de 20 ans est célébré dans ce cadre. La première fois que l’on m’expliquât cela, c’était un étudiant de mon père, sa compagne de l’époque faisait sa maîtrise sur Céline. Ils m’expliquèrent longuement ce fabuleux talent « gâché » (sic) par ses positions antisémites. Si bien déjà à l’époque je pensais qu’il fallait davantage retenir en chaque être ce qu’il avait apporté et non seulement ce qu’il avait détruit, j’en conclus toutefois qu’il y avait trop d’écrivains fabuleux n’ayant pas « gâché » leur talent et que ma vie est trop courte pour tous les lire comme pour « perdre mon temps » avec Céline.
Je dois reconnaître aussi que le talent littéraire, la virtuosité des mots me laissent relativement insensibles, étant plus intéressé par le récit lui même, par le « fond » que par le style. Cela bien évidemment parce que dénué de style je suis assez inapte à juger celui des autres. En conséquence je retins de ces échanges ce que Delanoë résumera dans une formule: « Céline est un excellent écrivain et un parfait salaud ».
Si je devais vivre éternellement, ou si je me trouvais coincé dans un train quelque part entre l’Alsace et le sud-ouest, par une longue nuit de blizzard, si alors mon voisin s’assoupissait, laissant tomber un bouquin de Céline et si bêtement j’avais fini de lire mes Picsou magazine, assurément je lirais Céline. Peut-être même la fatigue aidant apprendrais-je à apprécier le style, le génie littéraire oubliant peut-être l’ignoble misanthrope (permettez moi au passage une petite digression à l’intention d’un de mes lecteurs occasionnels, c’est parce que Céline incarne parfaitement la misanthropie que je fus si profondément blessé lorsqu’il me qualifiât de la sorte sur facebook).
Quel rapport avec Jack London? Pas davantage qu’entre Le Pen et Melenchon n’en déplaise à Plantu et à quelques déstructurés de mon parti (et hop deux polémiques d’actualité dans un seul billet) mais N. Mauberret nous indique dans une excellente interview les contradictions de Jack, « Il est socialiste, et il veut gagner de l’argent. L’idéal d’un Américain moyen de ces années-là est de devenir riche, sinon on n’est personne. En gros, Jack London, malgré ses hauts et ses bas financiers, est un millionnaire socialiste. Autre exemple : dans « les Mutinés de l’Elseneur », il y a d’affreuses remarques racistes. Dans les nouvelles des Mers du Sud, il y a au contraire une sorte d’anti-racisme anti-occidental, étonnant pour l’époque. En six mois, London peut changer ainsi de position. » On peut ajouter son rapport à l’alcool et autant d’éléments relevant de la part du diable évoquée par Johann Hari.
Mais si cette part du diable ne doit pas nous dispenser de lire, d’utiliser Jack London comme « source » indirecte pour comprendre l’Amérique de ce tournant de siècle, de considérer qu’il ne faut le juger selon des préceptes moraux d’aujourd’hui, l’idée ne me viendrait pas pour autant de décider qu’il faut le célébrer comme « ceux dont la vie, l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables». Je peux entendre et me réjouir même qu’on retraduise Jack London, qu’on lui dédie une exposition présentant ce personnage fascinant, sous toutes ses facettes. Je peux entendre que l’on montre comment les éditeurs français ont édulcoré son œuvre pour la rendre présentable à la jeunesse bien pensante des années 30 et postérieures, mais le célébrer?
J’entends de même que Céline puisse être étudié, lu, présenté, « confronté » à Kaminski, etc.. Mais le célébrer? Pourquoi faire?
Parce que là est la question! Quel objectif cherche à atteindre Frédéric Mitterrand, critiqué et houspillé récemment pour sa propre part du diable? Peut-être tout simplement à se dédouaner lui, à montrer qu’il est des êtres bien pires qu’il ne le fut dans ses pires moments… à exhiber un « monstre » pour voir sa part du diable personnelle allégée…?
Étant donné la qualité actuelle des personnes se réclamant du « peuple » que l’on pare de toutes les vertus, la misanthropie est un bon garde-fou; quand à Céline, il n’est pas misanthrope mais antisémite.
Je ne suis doublement pas d’accord avec toi. Céline n’était pas « seulement » antisémite. Il se détestait lui-même, il haïssait le genre humain dans son ensemble. On ne peut à mon sens haïr une part de l’humanité quelle-qu’elle soit sans la détester toutes entière.
Je ne crois pas davantage que nos contemporains soient pires que leurs ancêtres. Nous sommes juste éduqués, formés pour comprendre nos ancêtres et assez inaptes à saisir nos contemporains. Depuis 4000 ans au moins des personnes se lamentent sur les temps présent et adulent la grandeur des temps passés.
Démocrate, je suis de ceux qui adulent le peuple, il a cette qualité qu’il paye toujours ses éventuelles erreurs…
de la part du Diable: pourquoi ne me laissez vous tranquille ???
Ne savez-vous pas que c’est la part de l’ange qui fout la m. toujours !!!
Demandez à Marie, vous verrez!
message transmis par Messie de la part du Diable.
(ayant lu un peu Céline et ayant apprécié ce que j’ai lu, je suis d’accord pour dire que c’est un ignoble personnage)