Français par intérim
admin | 26 avril 2010Un jour, pas si lointain que cela – moins d’un an – devant une certaine accumulation de « contrariétés » je craquais. Je me mis en une rage folle . Il fallait que cela sorte. Cela sortit. Après, le calme revint. Enfin, n’exagérons rien. Cela revint comme avant.
Les causes « légitimes » tant soit-il qu’il y en ait pour se mettre en pareil état, ne manquaient pas. Mais dans la logorrhée qui accompagna cette rage, sortit le cœur du problème: « je n’ai pas d’avenir en ce pays, je suis dans l’impasse ». « Tu verras » dis-je à ma compagne, des bons et mauvais jours, consolatrice des quelques chagrins émaillant nos vies, et source de tous les bonheurs qui l’agrémentent, « ce qu’ils veulent c’est pouvoir « nous » retirer la nationalité ». « Nous » : à Evita et à moi.
Les accès d’irrationalité absolue, n’empêchent pas parfois d’y voir clair.
Facile me direz vous après coup de dire « je l’avais prévu ». Certes, mais je n’y gagne rien. Et de l’avoir vu venir ne m’apporte strictement aucune satisfaction. On se heurte tout au plus à cette moue des nationaux de souche – et oui désormais c’est ainsi que nous devons parler -, qui pensent « leur » démocratie, « leur » état de droit éternel.
Ne pas croire à la théorie du complot, ne doit pas non plus nous amener à mépriser l’adversaire, à penser qu’il n’a pas une idée et des objectifs. Objectifs que pour atteindre il se bat, quitte à emprunter parfois des chemins tortueux s’adaptant à la réalité, contournant les obstacles. Une certaine droite n’est pas moins idéologue qu’une certaine gauche.
Mais à mesure que l’objectif approche, que les obstacles s’amoncellent la panique gagne, la peur de ne pas atteindre l’objectif que l’on s’est fixé, et donc de ne pas pouvoir enchainer dans les temps d’une vie les autres objectifs rendus possibles par l’accomplissement du premier.
Ainsi Hortefeux et Longuet ont-ils ces derniers mois vendu la mèche (réduisant d’autant mon mérite). La déclaration de Hortefeux demandant à ce qu’un homme soit dessaisi de sa nationalité a fini de dévoiler l’objectif. Le premier. La suite c’est la mise en œuvre du programme de Le Pen. La France aux Français… aux bons Français, aux Français de souche…
De l’instant où les mots « déchoir de sa nationalité » furent prononcés par un ministre de la République, j’ai cessé d’être un français à part entière. Je suis désormais un intérimaire de la nationalité française, je ne fais pas partie du corps traditionnel français.
C’est la gauche qui avait supprimé la quasi totalité des différences qui séparaient avant 1981 les français par acquisition des « membres du corps traditionnel français ».
Je réitère, il ne s’agit nullement d’un complot, Hortefeux, Longuet et Besson, contrairement au sketch de Stéphane Guillon, n’ont pas fait d’entrisme sur ordre de Le Pen, à l’instar d’illustres personnages venus de l’extrême gauche. Non Hortefeux et Longuet, ont choisi l’espace politique leur permettant d’agir selon leurs convictions, et n’ont pas voulu juste cultiver entre semblables leurs idées. Ils sont allés à la conquête du pouvoir et ont trouvé en Sarkozy la créature idéale derrière laquelle agir en toute impunité, et en Besson leur zélé exécutant des basses œuvres, il n’a pas le physique (faut pas se moquer du physique c’est mal) mais assurément la mentalité d’un Laval. C’est en mode détente le plus souvent qu ils s expriment: qui en brocardant les collègues ministres n’appartenant pas au corps traditionnel français, qui en tançant un militant ump rêvant d’être un jour à la place de ces ministres-alibis. Peu à peu la droite décomplexée a permis au racisme ordinaire de se décomplexer.
Racisme? Où ça du racisme?
Et bien justement dans la déclaration de Hortefeux pendant à un croc de boucher (hallal?) la nationalité du polygame, escroqueur de CAF. Il n’est pas juste xénophobe. Il est bien raciste, puisqu’il considère que celui aux pratiques distinctes du corps traditionnel est indigne de se dire français. Puisqu’il considère qu’un français par acquisition peut redevenir un étranger sur simple décision ministérielle.
Bientôt viendra une loi, qui permettra de balayer les arguments de maître Eolas (article à lire « impérativement ») et de fabriquer encore davantage de sans papiers. La nationalité française recouvrira alors strictement le corps traditionnel français. L’étape suivante sera plus dure incontestablement, et une vie de militant raciste n’y suffira pas. Ils en sont conscients : pouvoir déchoir de la nationalité française tous ceux et celles qui nés en France ont dans leurs parents, voire – rêvons un peu – grands-parents du sang impur dont une droite molle et une gauche xénophile à négligé d’abreuver nos sillons. C’est bien dommage le plus drôle en effet – n’oublions pas que nos ministres aiment à rire – aurait été de faire promulguer par Nicolas Sarkozy la loi permettant de le déchoir de sa nationalité. En attendant d’en arriver à ce stade de jubilation pour Hortefeux et Longuet (ou les descendants de toute cette clique) permettez moi de conseiller d’ores et déjà un amendement: « seront déchus de la nationalité française sans autre forme de procès (sauf si nécessaire pour l’audience de TF1) tous les naturalisés qualifiant un ministre ou un président de groupe du sénat de racisme ». On gagnera du temps.
Le cas présentement trouvé par le Ministre Hortefeux, comporte un aspect qui permettra peut-être de gagner du temps sur un objectif intermédiaire: déchoir de sa nationalité un « français d’origine ». En effet cet homme est devenu français par déclaration suite à son mariage avec une française. Sa femme est en quelque sorte complice. Alors soit elle vient au journal de TF1 entourée de glabres ôter sa burqa, faire amende honorable, dire que son mari l’a forcée a se marier, à porter le voile, a faire des enfants et vient déclarer ensuite à charge au tribunal, ou bien elle reste solidaire de son mari jusqu’au bout et sera déchue de sa nationalité pour avoir introduit dans le corps traditionnel français un tel corps étranger… rendant légitime que les globules blancs de service œuvrent à son expulsion.
Mais me diront quelques esprits éclairés, et non moins ambitieux de ma « famille » politique mais du corps traditionnel français, ou qui pensent naïvement que parce qu’européens d origine, ils échappent au mépris des Hortefeux et Longuet: « tu exagères, tu ne peux accepter les dérives sectaires, l’intégrisme, on ne peut accepter sous prétexte de liberté ceux qui fomentent quotidiennement des attentats contre la liberté. Ouvre les yeux Luis, cesse de nourrir des peurs imaginaires, les étrangers dont il est question ce n’est pas toi, ce sont (en baissant la voix et montrant d un doigt honteux) « eux » ». « Eux », des encore moins blancs que moi. Peut-être ont-ils raison. Peut-être Luis et Evita ne risquent rien. Seul Ibrahim et Mohamed risquent gros. Mais je sais qu’après Ibrahim et Mohamed, de nouveau Samuel et Natacha seront dans le collimateur, et puis Jean-Pierre le communiste, ou Jean-Jacques l’homosexuel, et enfin Evita.
Commémorer ce n’est pas considérer que l’on banalise l’horreur en la voyant poindre derrière chaque déclaration, commémorer c est combattre concrètement tout ce qui permet d’ouvrir encore la boite de pandore d’où jaillit inlassablement la bête immonde.
J’attends de ma famille politique qu’elle ne se divise pas sur cette question, qu’elle dénonce sans fioriture ni pincettes cette volonté d’instaurer des intérimaires de la nationalité française, pas qu’elle ergote. J’entends que ma famille politique garantisse que le décret qui m’a honoré du titre de citoyen de la République française ne sera pas demain abrogé parce que je pense « mal ».
Notons quelque inquiétude en ce domaine. Ainsi Marie-Georges Buffet ne fut pas d’une clarté limpide sur le sujet, puisque répondant à la question d’une journaliste à la radio samedi « Êtes vous d’accord pour qu’on déchoit de la nationalité française cette personne », elle répondit « Je suis bien sur pour qu’on applique la loi ». Laissant sous-entendre que la loi permettait telle sanction, et n’étant pas choquée par l’idée que la loi puisse comporter tel aspect. Il faut dire que Maître Eolas ne fit son article que dimanche, que probablement il n’y avait pas de collaborateur du PC pour vérifier que le ministre ait pu prendre quelques libertés avec la loi. Enfin à la décharge de Marie-George, rappelons qu’elle a été élevée dans l’amitié d’un gouvernement très prompt à déchoir tout opposant de sa nationalité… soviétique… Je suis injuste certes, le reste de son propos était mesuré et intelligent. Mais il en reste pas moins que l’idée de déchoir un français de sa nationalité fait partie de sa culture…