C’est la faute à Rousseau
admin | 16 avril 2010Dans mon premier jet du post d’hier j’écrivais: « Je rappelle que les évènements décrits se passent en 1728 (JJ Rousseau à 15/16 ans) et de commentaires »
Je m’avisais assez rapidement et supprimais les derniers mots. On aurait pu comprendre que je récusais la possibilité de commenter pour approuver ou contester ma prose ou celle de Rousseau, que Voltaire me préserve de telle pensée.
Il était tout aussi illusoire de penser que moi même ne commenterait pas. Même si cela doit retarder la suite de mes réflexions sur l’abstention je ne saurais en rester là sur ces sujets.
Si je suis athée, et plus que méfiant vis à vis des structures encadrant les croyants, je n’oublie pas qu’aux côtés des prélats qui collaboraient avec les dictateurs et justifiaient moralement leurs agissements suivis en cela par des milliers de prêtres, il existait de nombreux prêtres qui fidèles à la parole écrite dans leur bible et à leur christ ont secouru, caché, nourri, encouragé, et justifié moralement le combat pour la survie des opprimés, le payant parfois de leur vie ou de leur liberté.
Des prêtres se levèrent pour s’opposer au pape et aux prélats complices des oppresseurs, au Nicaragua, au Brésil, en Argentine, etc. ils furent désignés comme Théologiens de la Libération, et se mêlèrent des affaires terrestres sur des idéaux progressistes, ils subirent alors opprobre et injures de la part même de ceux qui aujourd’hui sont si discrets. Le Pape Jean-Paul II allant jusqu’à récriminer du doigt sur le tarmac de l’aéroport de Managua un des théologiens de la libération devenu ministre.
De même, comme le dit un prêtre dans un commentaire à un article sur les prêtres poursuivis pour pédophilie, il en existe assurément des milliers qui n’ont jamais songé à violenter un/e enfant ni même un/e adulte; On pourrait à tout le moins espérer une levée en masse et une remise en cause fondamentale de la part de ces prêtres pour mettre fin aux siècles accumulés de difficulté entre l’Église et la sexualité. Mais rien de significatif, de massif ne semble se mettre en œuvre dans cette maison de Dieu là, pas davantage que dans les autres d’ailleurs. Pour autant je regarde avec méfiance la montée des attaques contre la papauté sur les affaires de pédophilie. N’y a-t-il donc en Irlande, au Portugal, en Allemagne, aux États-Unis et en France de justice des hommes, pour enquêter, poursuivre et sanctionner le cas échéant. Peut-on tolérer un seul instant que la question de la mutation des prêtres accusés de tels actes relève exclusivement de la justice ecclésiastique?
Cette omerta me fait penser à celle qui prévalut longtemps dans l’éducation nationale, avant que sous la pression médiatique on verse dans d’autres excès l’accusation sur simple dénonciation sans enquête et sans jugement.
Il n’appartient aux institutions concernées ni de cacher, ni de divulguer, il appartient à l’institution judiciaire et à elle seule de prendre connaissance des faits reprochés, de disposer de tous les moyens d’enquêter pour établir les faits, les sanctionner s’il y a lieu ainsi que de sanctionner s’il y a lieu celles et ceux qui entravent la marche de la justice. Mais on comprend que les victimes aient recours à la médiatisation lorsque toutes les institutions s’avèrent défaillantes.
Les voiles posés sur la vérité que constituent le secret de la confession et la solidarité institutionnelle justifieraient en toute Démocratie d’une loi et de sanctions claires.
Mais revenons à Rousseau, même si cela va encore entrainer un post trop long pour avoir quelque chance d’être lu… 😉
J’indiquais donc, hier, avoir lu les confessions de Rousseau avant qu’on ne m’y contraigne, et que ce faisant il avait échappé à la poubelle de ma mémoire où gisent les ouvrages bachotés. Il se trouve que ce passage qui devait tant me marquer ne fut pas l’objet d’une étude en classe. A l’époque pourtant ce qui avait retenu mon attention n’était tant le « maure » converti qui en cette enceinte religieuse violait l’adolescent, mais le fait que sans savoir de quoi il en retournait exactement JJR éprouvait la notion que c’était « mal » parce qu’il n’en avait pas envie et non au nom de quelque morale. La manière même d’expliquer les conséquences de cet acte sur sa sexualité future, ne vaut pas condamnation de l’homosexualité mais de la masculinité en ce qu’elle se croit libre de dominer… et on est au XVIIIème siècle, mais à ne pas en douter le numéro deux du Vatican n’a lu Rousseau ni contraint ni par volonté propre. Ce qui retint surtout mon attention aussi fut que JJR trouva naturel d’en parler, de dénoncer et que – déjà / encore – la loi du silence était la règle.
Mais je me souviens que ce passage fut omis par l’enseignante, militante communiste, tant sur la partie sordide que sur le silence imposé au jeune homme. Quel effet a bien pu avoir un tel passage sur un/e jeune ayant subi pareils attouchements en lisant ce texte? Je ne comprends pas qu’une pédagogue ne mesure pas la double violence ainsi subie, et n’éprouve pas le besoin d’en débattre avec les élèves privilégiant des aspects du coup très éloignés de leur quotidien.
Cette loi du silence, et cette solidarité d’institution j’y fus un jour confronté dans ma vie professionnelle il y a bien longtemps. Il ne s’agissait pas d’une affaire de pédophilie mais entre adultes dont un non consentant. J’en ai, alors, rencontré des laïques pur et durs qui tenaient des propos à peine différents de ceux qu’eut à entendre Jean Jacques Rousseau. J’admire la personne qui osa dire non. Je m’honore de ne pas alors avoir rejoint la meute, et c’est à ne pas en douter, la faute à Rousseau. Aujourd’hui je peux grâce à cela regarder ma fille en face. Elle n’aura pas à rougir de son père. Nous lirons un jour Rousseau ensemble, Evita… mais même à cela tu pourras dire non 😉