Les frères Rattaire
admin | 14 novembre 2010Le 11 novembre dernier, remontant dans ma voiture après la cérémonie de commémoration de Wissous, j’écoutais la fin de la présentation d’un livre. 3 hommes, 3 frères, dont le nom ne figurait pas dans le monument aux morts de leur village pour une sombre histoire entre le maire et le père des 3 soldats.
En faisant mes courses, je me mis en quête du livre dont j’ignorais l’auteur, le titre et dont j’avais juste eu le temps de retenir la maison d’Edition. Héloïse D’Ormesson, la fille de Jean. Je savais donc qu’Auchan l’aurait.
Je mis un certain temps à le trouver, tout en bas du rayon des livres politico-historico-médiatiques. Je n’aime pas acheter mes livres en supermarché. Non par principe, mais juste parce que tant que le livre « le rangement des livres pour les nuls » ne sera pas publié on est pas prêts d’avoir des rayonnages ordonnées avec quelque logique dans les grandes surfaces…
Bref, alors qu’un livre d’un « directeur d’école » concernant les « mots d’excuses des parents » trône sur l’étalage, je suis à genoux pour trouver le livre sur les Frères Rattaire.
Ayant pris l’habitude de me méfier de moi même, je l’achète sans regarder la quatrième de couverture. Le soir venu, sans aller chercher quoique ce soit sur l’auteur, je le lis et le dévore en une heure. Il ne fait que 125 pages.
Ne me demandez pas de juger de la qualité littéraire du livre. Je suis mal placé, vous qui lisez le blog, le savez bien. Et surtout lorsqu’il s’agit d’histoire, je m’intéresse assez pu à la forme (littéraire, cinématographique,…) je m’intéresse essentiellement à l’objet historique, aux sources, à leur utilisation, à leur interprétation. Ainsi suis-je bon public, pour l’essentiel du film la Rafle, tant décrié par mes quelques amis cinéphiles. De même ici nous n’avons certainement à faire ni à Lamartine, ni à Matthiez ni à Braudel, qui savaient à mon sens joindre une immense qualité littéraire à un travail d’historien fascinant.
L’auteur n’est vraisemblablement pas un historien, ni un écrivain. On devine le politique dans son style, comme sur le fond, et les très rares anachronismes. Vers minuit lorsque je finis la lecture, j’entame la quatrième de couverture: » Auteur de plusieurs essais et d’un roman, Le Livreur (Eho, 2007). Philippe Langénieux-Villard fut député de l’Isère. Il est aujourd’hui conseiller général et maire d’Avellard ». Un catho de droite certainement, me dis-je avant de passer à d’autres lectures, plus légères (Mickey parade).
Ce matin, une rapide vérification sur le site de l’assemblée, me confirme qu’il fut député RPR jusqu’en 1997. Une victime de la dissolution…
Je suis heureux d’avoir fait les choses dans cet ordre. Un manque de temps certain, trop de livres en attente de lecture, et un fond de sectarisme toujours latent (non pour les opinions de l’auteur, mais pour son non professionnalisme en Histoire). auraient pu me faire passer à coté de cet honnête ouvrage.
Honnête parce que le parti pris est implicitement assumé. Il y a des gentils, des victimes, et des méchants pas si méchants que l’on cherche à comprendre, au moins jusqu’à la limite de ce qui est compréhensible.
L’omniprésence des témoignages, des archives, de cette recherche aimable des sources, donne une œuvre qui semble avoir été écrite dans les années vingt. Elle donne a voir une vision vraisemblable du quotidien dans ces villages. Elle se montre respectueuse des engagements, même si on sent que l’auteur a du apprécier la série des Don Camillo avec Fernandel.
Les deux personnages principaux méritent qu’on lise se livre. Surtout si on est un militant de gauche. Il faut le lire avec honnêteté, entrer en l’époque. Le lire avec esprit critique, comme toujours, pour rectifier de soi même quelques manques (pourquoi ne pas avoir poussé davantage les recherches sur le rôle du préfet et sa responsabilité – pour ne pas dire plus – dans l’affaire, par exemple?) .
Oui il faut le lire, le méditer. Il nous rend compte du conflit vécu de l’arrière. Rejoignant ainsi la très belle cérémonie d’Igny, où une fois de plus Françoise Ribière, la maire, nous fit, comme chaque année, découvrir avec passion et talent un autre pan de l’histoire de ce conflit. Le livre nous rend compte des débats de l’époque, de la lutte toujours présente, malgré la guerre, entre catholiques et laïques.
Et au final de la lecture, je me sens plus proche, sans doute possible, du père des trois morts pour la France, instituteur catholique, patriote, que de ce directeur d’école contemporain qui publie un livre sur les mots d’excuses des parents, en laissant les fautes d’orthographes, comme s’il était un vulgaire assureur. Philippe Rattaire, apparaît comme un homme droit, respectueux de ses élèves comme de leurs parents. Si loin de ce méprisable personnage, qui arrondit ses fins de mois en insultant des gens qui lui confient ses enfants.
Les fils Rattaire ont enfin en 2010 trouvé leur place sur le monument aux morts de la commune du Moutaret, où ils auraient toujours du figurer. Le « directeur d’école » évoqué ci-dessus devrait en revanche être rayé des cadres de la fonction publique, s’il y avait quelque Recteur digne de ce nom en notre pays.
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