Même pas peur !? (deuxième partie)
admin | 23 novembre 2015Dans ce café de Vert-le-Grand, il y avait cinq – six habitués et le patron. Je me suis assis un peu à l’écart. Une télé diffuse une chaine d’information en continu. Tous les regards sont rivés sur celle-ci. On y voit les images de l’assaut contre ce que le procureur qualifiera d’un appartement conspiratif, en Seine Saint-Denis. Le son est coupé. Nous avons donc tous, dans ce café à cette heure matinale, quelque chose en commun: nous ne supportons pas d’entendre des « journalistes » parler sans savoir, et commenter l’actualité, violente, comme on commente un match de foot…
Et tout comme autour des événements sportifs on nous abreuve de « témoignages » de sportifs avec des questions bateaux qui appellent des réponses sans intérêt on interroge a tour des bras des « témoins » érigés en experts…
Mes « habitués » de Vert-le Grand, se content de lire les sous-titres… et font leurs propres commentaires des images… « c’est pas un assaut… c’est un siège »… « ici on est à l’abri »… »tu parles, s’ils étaient moins cons, ils attaqueraient les petits bleds, comme celui-ci, ici-même dans ce bar, ils tueraient moins de monde me se feraient moins facilement gauler… » un silence glacial traverse la salle… »Oui enfin on les verrait arriver quand même… non?… » bredouille le patron… « de toutes façons ils … » les mots se perdent, le patron a monté le son… les commentaires des « experts » reprennent le dessus… et arrive le témoignage de l' »hébergeur »… là le son est de nouveau abaissé… les conversations reprennent sur le ton de la plaisanterie et du foutage de gueule… les réseaux sociaux ne réagiront pas autrement…
« Amalgame, amalgame… ils nous prennent pour des cons on sait bien que tous les musulmans sont pas des terroristes… mais on sait aussi que tous les terroristes bouffent pas de porc mais espèrent se taper 70 truies une fois qu’ils se sont fait sauter… »
Bon il est temps de reprendre une activité normale, je paye mes cafés… je salue la compagnie… non sans prendre en photo ce qui illustre ce post.
« Même pas peur!? » A cet instant, et même depuis vendredi soir, ma première peur ce sont les raccourcis, la contagion de la haine… la loi du talion tellement plus redoutable que l’Etat d’urgence…
Ces gens avec qui j’ai passé un moment, ont peur. Pas peur forcement de mourir demain sous les balles d’un fou de dieu, quoique… mais peur d’un monde qui ne sera plus comme avant…
La guerre qu’ils ont connu à travers le récit de leurs parents ou plus probablement grands-parents, et plus surement au travers des films, des cours à l’école, ne correspond pas à ce qui se déroule sous leurs yeux. « Nous sommes en guerre » reste une expression inadaptée a ce qu’ils vivent et voient se dérouler sous leurs yeux.
L’occupation, les tranchées, tout ce que cérémonie après cérémonie on rappelle de ce que furent les guerres, ne correspond pas à ce qu’ils voient.
Entendons nous je ne rejette pas l’expression. Je pense qu’on est effectivement en guerre. Une guerre idéologique et une guerre militaire. Mais une guerre militaire sans précédent réel sous cette forme là sur le territoire, ou en tout cas avec des gouvernements qui étaient incapables de la nommer et qui par le passé préférèrent éluder ces termes. Avec aussi des ennemis d’une nature radicalement différente des terroristes qui ont sévi par le passé.
Cette fois je pense qu’on cherche à bien nommer les choses… et cela surprend, rend suspicieux…
Hollande en assumant pleinement les conséquences de la constatation d’un État de guerre a déstabilisé la classe politique.
Mais aussitôt montent les craintes d’un « virage sécuritaire », d’un état d’exception, de la mise en cause de l’État de droit. Parallèlement la « théorie du terreau » prospère jusqu’à Bercy…
De quoi justifier un « même pas peur?! » troisième voire quatrième partie…